dimanche 18 août 2013

LE MUR DE L'ATLANTIQUE A LORIENT

LE MUR DE L'ATLANTIQUE

LES RAISONS DE SA CONSTRUCTION

                            Siège d'une importante base de sous-marins Lorient devient une cible privilégiée pour l'aviation alliée. Entamant une longue série d'offensives nocturnes la Royal Air Force effectue un bombardement dès la nuit du 27 septembre 40. La cité morbihannaise va payer un très lourd tribut aux attaques aériennes, il faudra   la reconstruire  entièrement après la guerre .

Dès 1941 les premiers abris à l'épreuve des bombardements sont édifiés au bord du Scorff et du Ter (Dom Bunker). Inévitablement la construction de la base sous-marine de Keroman impose la fortification d'une zone défensive. La base aérienne de Lann-Bihoué vient compléter le dispositif.


Le 22 juin 1941, rompant le pacte germano-soviétique, les troupes allemandes commencent à envahir le territoire de l'URSS : c'est l'opération Barbarossa. Dès 1942, Hitler pressent l'inéluctabilité d'un débarquement allié sur l'Ouest de l'Europe. Voulant éviter à tout prix la création d'un second front, le Fürher dans sa conférence d'Etat Major du 13 août 1942, dit : "Es gibt eine Kampffront : die andere Front kann nur Vertteidingunsfront mit geringen Kräften sein." (il n'existe qu'un front de combat, le deuxième ne peut être qu'un front défensif avec des forces insuffisantes). Le Haut-Commandement allemand décide alors de rendre imprenable les côtes de l'Atlantique et la Manche par des fortifications conçues sur le modèle de la ligne Siegfried.

Face à l'URSS, l'armée allemande va vers des difficultés croissantes. La bataille de Stalingrad,  de septembre 42 à février 1943, met un point d'arrêt à l'invincibilité nazie. Cette défaite de la Wehrmacht marque un tournant décisif de la Seconde Guerre Mondiale :  elle permet de répandre dans le camp allié la certitude de la victoire finale.


 
CAHIER DES CHARGES ET PRIORITE DE L'ATLANTIKWALL

Hitler estime que les alliés, grâce à leur supériorité aérienne et navale considérable, vont débarquer en plusieurs points du littoral Ouest et larguer des commandos derrière les lignes allemandes.  Une fortification côtière  orientée à la fois vers la mer et vers la terre s'impose et le Haut-Commandement allemand définit l'ordre d'urgence des zones à renforcer.

Les bases sous-marines sont indispensables pour continuer la lutte contre les navires et les convois alliés . Elles doivent être protégées par une ceinture de fortification suffisamment éloignée du centre pour que les sous-marins soient préservés des tirs d'artillerie . En général, pour assurer la défense d'un tel site, l'Etat-major Allemand estime impératif d'implanter au moins deux batteries d'artillerie côtière lourde, deux de calibre moyen et plusieurs de calibre plus léger .
Les grands ports doivent disposer d'un vaste périmètre de protection,  les Alliés pouvant y débarquer facilement du matériel lourd.
Les îles sont à défendre puissamment car essentielles au contrôle du trafic maritime.
Les portions du littoral susceptibles de favoriser un débarquement sont à fortifier

Le cahier des charges des fortifications doit remplir plusieurs conditions  :

- Abriter efficacement le maximum d'armes et d'hommes contre les bombardements d'aviation et les tirs d'artillerie.
- Mettre le plus possible de canons sous béton (épaisseur des murs : 2,00 à 3,50 mètres de béton armé)
- Accoler  aux batteries lourdes une défense contre avions très puissante.
- Rendre chaque site capable de mener un combat rapproché sans soutien extérieur.
- Echelonner la défense en profondeur.
- Doter tous les points d'appuis de lance-flammes et d'armes antichars puissantes (calibre 50 m/m minimum)
- Procéder à un camouflage très soigné, afin que malgré les renseignements obtenus par l'espionnage, il soit très difficile de repérer les objectifs à bombarder sur le terrain.

L'organisation Todt[1] sous l'égide du Génie de Forteresse de l'armée allemande va employer des milliers d'ouvriers français et étrangers pour édifier le "Mur de l'Atlantique" selon ces instructions .
Au 1er juillet 1944, la Bretagne compte 2723  ouvrages achevés ( et des centaines d'autres en chantier ),  676 dans sa partie Nord et 2047 dans sa partie Sud et Ouest  incluant  3 bases sous-marines (St Nazaire, Lorient, et Brest).

Dans le secteur de Lorient sur près de 600 ouvrages prévus 420 seront achevés dont 26 de classe A[2], 38 pour tourelles ou coupoles cuirassées, 12 positions de batteries sous embrasures, plus de 100 ouvrages pour canons antichar, mitrailleuses, mortiers, lance-flammes et postes de transmissions. Tout cela sans inclure un grand nombre de tobrouks (trou individuels bétonnés) parsemant le dispositif.



[2]Classe A: murs extérieurs et plafond de 3,5 m d'épaisseur de béton armé, murs intérieurs de
1 m à 0,80 m.)

LA MARINE FRANÇAISE EN 1939 A LORIENT LA DÉFENSE DES COTES

LA DÉFENSE DES COTES EN BRETAGNE SUD 
SECTEUR DE LORIENT

LA MARINE FRANÇAISE EN 1939 A LORIENT  LA DÉFENSE DES COTES 

Le commandement des Forces Maritimes de l'ouest était à Brest , sous les ordres de l'amiral Laborde.


Le port de Lorient était le chef lieu de la 5è région maritime, sous les ordres du V. A d'escadre de Penfentenyo de Kervereguen, préfet maritime de la 5è région.


La 5è région maritime comprenait les secteurs de défense de Lorient et de Rochefort. Le secteur Quiberon/Loire fut crée le 11 juin 1940.


MISSION SPECIFIQUE DU SECTEUR DE LORIENT


Le secteur de défense sous la responsabilité des hautes autorités maritimes de Lorient était le front de mer, de Lorient jusqu'à la Loire.

Ses missions étaient de :

-préserver la baie de Lorient contre les attaques et en maintenir les accès libres aux bâtiments de haute mer, de Lorient jusqu'à la Loire.
- interdire l'occupation de Groix et de Belle Ile
-défendre la rade de Quiberon et l'estuaire de la Loire
-arrêter toute tentative d'embouteillage des ports de Lorient et de Saint Nazaire
-empêcher un débarquement de troupe par voie de mer
Pour mener à bien sa tâche de défense côtière les forces maritimes de Lorient s'appuyaient sur 4 moyens, l'aviation pour la reconnaissance, les troupes pour la défense à terre, les canons de côtes en batterie dans les forts, la défense antiaérienne.


L'AVIATION


L'aéronautique navale: les forces aériennes basées à Lorient faisaient partie de l'escadrille 1 S 2
Il y avait en février 1940, 9 appareils de surveillance côtière
6 Gourdou 812 et 3 Laté 523

Lorient disposait également de ballons captif :
-2 pour le dragage et 1 de patrouille


LES TROUPES DE DÉFENSE DU LITTORAL


Le 15 octobre 1939, l'organisation de défense du littoral de Lorient était articulée ainsi:

Organe du commandement E tout d'abord à Lorient puis à Vannes

4è bataillon du 265è R.I. et 209è compagnie de mitrailleuses de position du 265è R.I. à Belle ILe

5è bataillon du 265è R.I. et 210è compagnie de mitrailleuses de position du 265è R.I. à Quimperlé et Groix

211è compagnie de mitrailleuses de position du 265è R.I. à Quiberon et au Fort de l'Eve

51è batterie de canons de 75 mm du 355è Régiment d'Artillerie à Hennebont

41è escadron du 19è régiment de Dragon à Ploemeur

Un effectif total de 2 200 hommes.

L'ARTILLERIE CÔTIÈRE


LES BATTERIES DE COTES EN SERVICE EN 1939


Secteur de Lorient

LE TALUD : 4 canons de 240 G
LOQUELTAS: 2 canons de 75 G
GAVRES : 3 canons de 105 -Eh V SF
PORT LOUIS : 3 canons de 75 G
GROIX ( Fort du Mené ) : 4 canons de 120 G

Secteur de Quiberon

BELLE ILE ( Taillefer ) : 4 canons de 138 modèle 1893
2 canons de 75 E
CONGUEL : 2 canons de 75 G
( défense des passes )

Il était prévu en complément des batteries dites de circonstance approvisionnées à 60 coups

BELLE ILE ( Kerdonis ) : 2 canons de 95 G
HOUAT : 4 canons de 95 G
HOEDICK : 2 canons de 95 G
ILE DUMET : 2 canons de 95 G

Fin 1939, l'amirauté pensait peu probable une opération allemande sur les côtes bretonnes et réduisit le nombre de ses batteries armées, elle les classa en 3 catégories:
-batterie au complet de guerre, pour les principales
-batterie armée, armement réduit
-batterie de réserve, en gardiennage
Début 1940 situation des batteries côtières

Des batteries de circonstance furent désarmées et servirent à remonter d'autres batteries.

Armement complet:

Secteur de Lorient:


LE TALUD : 2 canons de 95 G
LOQUELTAS: 2 canons de 75 G
GAVRES : 2 canons de 105 -Eh V SF

Secteur de Quiberon

BELLE ILE ( Taillefer ) : 4 canons de 138 modèle 1893
CONGUEL : 2 canons de 75 G
PORT KERNE : 2 canons de 95 G
BELLE ILE, ER HASTELLIC : 2 canons de 95 G
HOEDICK : 2 canons de 95 G

Batteries de réserve

secteur de Lorient

FORT DU TALUD : 4 canons de 240 G
PORT LOUIS : 3 canons de 75 G
ILE DE GROIX, FORT DU MENE : 2 canons de 120 G

secteur de Quiberon

KERGROIX : 4 canons de 164/93.96 SF
BELLE ILE, TAILLEFER : 2 canons de 75 GE
PORT LOUIS : 3 canons de 75 G

En outre, les batteries du Fort du Talud, de Port Luis, du Méné, de Port Kerné, de Belle Ile étaient également des batteries de semonce.

Les batteries restantes étaient simplement gardiénnées.

Les effectifs des batteries de côtes en 1940

L'artillerie côtière française de Lorient avaient pour effectif réels au 1er janvier 1940 :

7 officiers, au lieu des 14 prévus
63 officiers mariniers, au lieu des 77 prévus
710 hommes d'équipage, au lieu des 825 prévus

Puis suite au mesures de déclassement des batteries de côtes, il restait au printemps 1940:

7 officiers, 38 officiers mariniers, 336 hommes d'équipage

De plus le 16 mai, une mesure d'urgence fit expédier sur Paris tous les canons de 47 et 65 mm
( pièces en position ou en stock )


LA DEFENSE ANTI AERIENNE DE LORIENT

En 1939 il n'existait aucune batterie de D.C.A. lourde pour défendre Lorient.

Début 1940, étaient en place 2 batteries de 75 mod 97 CA, 2 affûts de 37 CA, 5 projecteurs, 2 ensembles d'écoute.

Le guet aérien, était assuré par les sémaphores de la Tour de la Découverte, Gâvres, Beg Melen et
le Fort de la Croix de l'île de Groix.

Fin mai 1940, la situation militaire évoluant, les batteries de D.C.A. étaient réparties ainsi:

1 batterie de 75 CA à Kerner
1 batterie de 75 CA à Kerpape
1 affût double de mitrailleuse de 13,2 mm à Port Louis
1 affût quadruple de mitrailleuse de 13,2 mm sur l'île Saint Michel

MAI / JUIN 1940 LA DEFENSE COTIERE DE LORIENT


Fin mai 1940, l'amirauté française qui craignait des coups de mains allemands et des
bombardements décidait de renforcer la surveillance et la défense des points sensibles.

Elle donna l'ordre de dresser des obstacles pour rendre impossible des intrusions par voie de mer ou d'air sur les plages et les plan d'eau , et de placer de l'artillerie pour couvrir les routes.

Des groupes de 2 mitrailleuses furent implantés dans les secteurs suivant:

embouchure de la Laïta
Fort du Loch
Larmor
Kerpape
Gâvres
Carnac
Penthièvre

Des canons de réserve générale de la flotte auxiliaire furent montés sur des plates-formes en bois:

canon de 75 sur affût G

Carnac 1 pièce
Penthièvre 2 pièces
Gâvres 1 pièce
Kerpape 1 pièce
Fort Bloqué 1 pièce
le canon de 95 du Fort du Loch fut réarmé

Il était de plus prévu de renforcer les secteurs principaux par le montage sur affût improvisés de dizaines de mitrailleuses de 13,2 mm encore en dépôt à l'arsenal.

L'obstruction plages fut également entreprise, notamment sur les plages de :

Carnac, Penthièvre, Gâvres, Kerpape, Fort Bloqué.

mais il était trop tard pour organiser une défense cohérente du front terrestre, la seule chose à l'ordre du jour était l'évacuation et le sabotage des installations restantes.

Le Maréchal Pétain négociait l'armistice pendant que quelques marins se faisait tuer au symbolique combat des 5 chemins à Guidel.

Lorient était investis par la Wehrmacht, et les batteries côtières française allaient servir d'ancrage à la nouvelle et très puissante défense du littoral allemande.